Depuis la loi du 11 février 2005, doit-on toujours tolérer les abus de certaines entreprises qui assimilent les travailleurs handicapés à une main-d'oeuvre peu chère et malléable ? On serait en droit d'y songer, au vu d'une affaire récente mettant en scène une jeune société établie dans le sud et des employés répartis partout en France.
Pour la simple raison que la plupart connaissaient le chômage depuis belle lurette, ils ont accepté un emploi en télétravail. Loin de discriminer cette forme de travail, parfois utile pour les personnes ne pouvant pas ou peu se déplacer, il s'est avéré qu'une chef d'entreprise a abusé de cette pratique pour "faire tourner" son affaire et réclamer les primes Agefiph. Sans complaisance.
Revenons aux faits
Vers août 2006, des personnes handicapées sont contactées par un cabinet de recrutement spécialisé pour des postes en CDI à mi-temps, 20 heures par semaine, sur la base du SMIC brut. La dirigeante, sans rencontrer un seul de ses futurs employés, les prend à l'essai. Leur mission consiste à vendre des produits, avec une formation et un argumentaire à l'appui. Un mois durant, les salariés ont travaillé à distance, depuis leur domicile, à partir d'informations par mail qui changeaient quasi quotidiennement. Entre collègues, aucun échange n'est établi, les uns ignorant les attributions des autres et la dirigeante refusant de mentionner le handicap de chacun.
Les formations prévues ne sont pas dispensées, par manque de temps paraît-il. Aucun listing de clients n'est fourni, tous se débrouillent avec le minimum car leur capacité d'adaptation va au-delà d'une simple motivation.
« Elle a régulièrement menti aux uns ou aux autres, témoigne une collègue domiciliée dans les Pyrénées-Atlantiques, et fait transmettre des données par les uns ou les autres en alternant les périodes de silences et de communication, prétextant des grèves ou des orages dévastateurs par exemple. Les enquêtes ressemblaient plus à des ventes à mon goût et les dates de début et de fin fluctuaient beaucoup, les produits ne ressemblaient pas vraiment au descriptif donné avant l'embauche. »
Le vice est poussé jusqu'à la promesse d'envoyer enfin leur contrat de travail et une lettre d'embauche, accompagné du premier mois de salaire. Les documents n'arrivant pas à la date prévue, plusieurs employés reçoivent la directive de patienter. L'isolement entre collègues est rompu lorsqu'ils prennent la liberté de se contacter, vers mi-octobre 2006. L'inspection du travail est saisie, l'Agefiph d'une délégation départementale est tenu au courant.
A ce jour, les 13 salariés de cette entreprise "fantôme" n'ont reçu aucun salaire, et "elle" persiste à leur faire croire que cela arrivera bientôt. Résultat : certains ont lancé une procédure aux prud'hommes pour faire valoir leurs droits. Bien que la solvabilité de l'employeuse soit mise en doute et sans avoir cotisée au GARP, elle risque malgré tout de payer six mois de salaires d'arriérés.
Comble de l'ironie, aucune trace d'une déclaration préalable à l'embauche n'a été enregistrée auprès de l'URSSAF. Sûr de ce fait, l'URSSAF a encouragé les victimes à porter plainte auprès du procureur de la République. Dans l'attente d'une décision de justice, gageons que des individus peu scrupuleux cesseront finalement un jour de jouer avec des personnes déjà fragilisées par un handicap !